Avis sur Ni Web ni master

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J’ai récemment découvert une bande dessinée engagée sur le thème du numérique, et, plus spécifiquement, sur les ordiphones et les services qui y gravitent autour. Il s’agit de Ni Web ni master de David Snug publiée chez nada éditions.

Scénario

Le personnage principal discute avec une version plus jeune de lui-même, venant de 1989 grâce à une machine à voyager dans le temps. Celui-ci découvre donc le monde en 2022.

Tout au long de l’ouvrage, le personnage principal va expliquer à sa version plus jeune ce que sont les différents services proposés par les grandes entreprises du numérique (GAFAM) et leur utilisation via les smartphones, tandis que ce dernier pointera les aberrations et les conséquences désastreuses que ceux-ci représentent.

Les dialogues sont l’occasion de constater à quel point notre quotidien a changé en si peu de temps, mais aussi l’absurdité de l’utilisation de ces technologies.

L’auteur a fait un travail de recherche poussé sur la question et synthétise admirablement les différents sujets abordés. L’humour noir employé est d’autant plus efficace que la situation est désespérante.

La fin est loin d’être remarquable. Elle laisse plutôt un goût amer au lecteur, clôturant l’ouvrage sur une note ni positive ni négative, mais tout simplement cynique.

Dessins

J’ai découvert le style de David Snug avec cette BD, et j’ai apprécié ce côté décalé qui m’a rappelé la série Rick and Morty. Tout est en noir et blanc.

Le monde dépeint par l’auteur est déprimant : les personnages de second plan, au regard vide, sont constamment rivés sur leurs téléphones, le sol est systématiquement jonché de déchets et les bâtiments sont en décrépitude. À mesure que les humains s’enfoncent dans leur univers virtuel, vivant une vie par procuration, l’espace physique, lui, est laissé à l’abandon.

Les dessins soutiennent donc parfaitement le scénario et les thèses de l’auteur : le numérique a infiltré tous les aspects de nos vies, de nos esprits et nous aliène, nous rendant esclave du totem magique que représente le smartphone.

Édition

Une postface est proposée par Cédric Biagini — auteur de nombreux ouvrages contre le numérique — et se révèle pertinente pour bien mettre en perspective les différentes questions soulevées par la BD de David Snug.

Enfin, la réalisation est soignée sur du papier mat d’épaisseur satisfaisante, le tout avec une couverture souple cartonée brute.

Conclusion

Le pari est réussi pour cette BD technocritique, à savoir de proposer une histoire courte — moins de cent pages — sur un thème aussi vaste et complexe que celui-ci, tout en informant le lecteur de manière appropriée.

Les personnes déjà convaincues n’apprendront rien de nouveau avec cette BD, mais elle peut aider à creuser certains sujets, grâce à une bibliographie fournie notamment.

Enfin, malgré le ton plutôt cynique, j’ai passé un très bon moment de lecture. Ainsi, je recommande d’y jeter un œil, d’autant plus si vous n’êtes pas vraiment au courant de tout ce qui se cache derrière l’utilisation de votre ordiphone.